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Publié par Caroline

Lundi 14 août 

 

En route pour Kep... petite ville au bord de la mer.

 

Une fois n'est pas coutume, je vous transporte dans un univers maussade... j'ai mis du temps à écrire cet article... hier soir, ce matin, pendant le trajet pour Kep. Je ne savais pas comment l'écrire... je trouvais qu'il n'avait pas sa place avec le précédent... j'ai préféré le rendre seul et entier. Je l'ai écrit avec mon coeur, mes idées, ma vision, c'est donc un article très personnel. Ma vue s'est parfois troublée, les larmes n'étaient pas loin. 

 

Nous arrivons au Musée Tuol Sleng... ce n'est pas vraiment un musée... c'est un lycée transformé en prison... une prison parmi les 190 disséminées par la Police de la dictature khmère rouge à travers le Cambodge durant les années 1970... S 21, le plus grand centre de détention et de torture du pays. 

 

Nous avons eu quelques doutes sur cette visite avec Sasha et Léon, Victor ayant le bénéfice de l'âge ne comprendra pas ce que nous verrons.... ah ! L'innocence de ses 4 ans ... Avant de se rendre dans ce lieu de témoignage, nous avons parlé, expliqué, préparé... nous savions ce qu'ils étaient prêts à voir ou à entendre... voyager ce n'est pas seulement le meilleur, cela peut aussi être le pire ... si nous avons décidé de voyager en mode sac à dos autour de la planète, c'est justement pour être confronté à tous les mondes...

Nous n'écrivons pas tout mais parfois notre coeur est bouleversé par ce que nous voyons : corps mutilés, mort par électrocution, mort par noyade, enfants battus, qui mendient, qui travaillent, qui deviennent mère à 14 ans, et les animaux en Asie ?... tout cela, nous l'avons vu, nos enfants aussi... nous expliquons toujours mais.... quelques fois ils ne comprennent pas pourquoi... pourquoi nous ne donnons pas d'argent au vieillard aveugle qui joue du violon, pourquoi nous ne donnons pas à l'enfant qui va jusqu'à monter sur notre tuk tuk pour quémander quelques billets, pourquoi nous n'achetons pas tous les singes en cage pour les libérer, pourquoi nous ne sauvons pas les tortues sur le marché, pourquoi ce petit garçon a été battu avec un bâton sur bord de la route, pourquoi nous n'aidons pas cet enfant qui n'a peut être plus de mère et de père....

 

Alors oui, nous allons nous confronter aux pires atrocités que ce peuple cambodgien a dû subir il y a à peine 40 ans sous la dictature de Pol Pot... oui c’était important de visiter ce centre de détention.... oui nous avons décidé de le visiter avec nos enfants. Cela signifie qu’on ne veut pas fermer les yeux sur ce volet de l’histoire et encore moins cacher les dangers du radicalisme et de l'appât du pouvoir à ceux qui sont les successeurs de notre monde.... et puis si l'on y réfléchis bien, est-ce aussi violent que certains jeux vidéos ou films autorisés à des enfants ?...

 

Quelques faits sur ce régime radical des khmers rouges instauré par Pol Pot. 

Je ne sais pas par quoi commencer car il y aurait tant à dire... je ne veux pas revenir sur l'histoire du Cambodge, ce serait trop long... mais ne pas parler de la guerre du Vietnam, serait atrophier le déroulement de l'arrivée des khmers rouges au pouvoir.

En fait, j'ai surtout appris ... ou du moins, j'ai vraiment compris plusieurs choses sur cette guerre... moi qui ai toujours aimé les films historiques, j'ai vu plusieurs films sur la guerre du Vietnam... à chaque fois, les américains étaient vus comme les "gentils"... ce qui peut aujourd'hui être (très?) nuancé...

Je pense entre autre aux bombardements des régions supposées abriter des bases communistes. Pendant 4 ans, ils déversèrent des tapis de bombes (plus que tout ce qui avait été largué pendant la seconde guerre mondiale) faisant des milliers de victimes civiles et des centaines de milliers de réfugiés. Ces opérations radicales contribuèrent parallèlement au recrutement de nouveaux khmers rouges alors que de plus en plus de paysans voyaient leurs familles décimées lors des attaques aériennes. 

 

Pol Pot a tenu le pays pendant 3 ans et 10 mois (d'avril 1975 à janvier 1979). Le temps nécessaire pour exterminer 1/4 de la population cambodgienne. Ceux qui sont encore vivants sont condamnés à vivre traumatisés pour plusieurs générations à venir. Il faut imaginer si la France avait perdu 1/4 de sa population tuée par d'autres français, quel traumatisme ! 

Il n'y a pas un seul cambodgien qui n'ait pas été touché par ces événements tragiques. Tortures, assassinats, exterminations collectives, famine, déportations, oppressions, contrôles... tout était permis. Quiconque avait les mains soignées ou portait des lunettes était soupçonné et arrêté. En effet, tous les intellectuels sont exécutés : médecins, professeurs, instituteurs, etc... ils sont une menace pour le régime dictatorial en place. 

Pour la plupart, ceux qui étaient torturés et/ ou tués étaient des gens ordinaires qui n'avaient rien fait. Ils étaient tués par la haine, l'ignorance, la peur et pour une cause mensongère. 

Quand un membre de la famille était exécuté, on exécutait ensuite toute la famille. Les khmers rouges disaient que cela évitait les actes de vengeance et que pour se débarrasser de la mauvaise herbe, il fallait aussi se débarrasser des racines. 

 

Nous avons loué des audio guides pour bien comprendre ce qu'il s'était passé entre les murs de ce lycée. Les horreurs qui sont dévoilées sont presque impossibles à croire, tant de cruauté....les témoignages qu'il est possible d'entendre sont bouleversants. Les garçons n'écoutent pas tout, ils suivent à leur rythme, s'installent parfois dehors sur un banc en regardant Victor qui fait du kart à pédales dans la cour.... je regarde les visages sur les photos, je les regarde tous.... cela prend du temps mais nous leur devons bien ça... j'essaie de lire dans leurs regards, qu'ont-ils pensé au moment de la photo ? Savaient-ils ce qui allait arriver ? ... certains sont bouleversants, j'ai l'impression que des larmes vont se mettre à couler... je n'arrive pas à soutenir ceux des enfants... je suis émue devant une mère qui tient un nouveau-né à peine âgé de quelques semaines... je sais désormais le sort qui était réservé aux jeunes enfants...

La visite aura duré deux heures. Victor aura été adorable en jouant sagement dans la cour. Les garçons ont beaucoup de questions; je m'arrête au stand de livres et m'achète quelques ouvrages. L'une des biographies présentées ne m'est pas inconnue, je l'ai lue il y a une quinzaine d'années... Sasha dit qu'il veut en apprendre plus, il me demande s'il pourra m'emprunter le livre écrit par l'un des 12 rescapés, sauvé parce qu'il savait peindre !.... 

 

Quand je sors, mon esprit est déjà plein de questions, d'interrogations et de réflexions... ces événements sont intervenus il y a un peu moins de 40 ans, un peu plus de 30 ans après la seconde guerre mondiale et ses camps d'extermination. Nous avions dit "plus jamais ça" mais c'est une bien triste réalité que me renvoie le S21.... j'aurai tant à écrire, je préfère en rester là... j'ai lu... j'ai écouté... j'ai compris... ne pas fermer les yeux, ne pas se rendre complice des médias, de dirigeants et de pays quels qu'ils soient, super puissants ou minusculement enclavés en Europe. Nous avons tous notre part de responsabilité. 

Quand je suis née, c'était l'été indien mais des milliers de sourires d'enfants disparaissaient par la noirceur humaine.

 

Nous avons continué de découvrir ce passé sombre du Cambodge  en sortant de Phnom Penh pour rejoindre le camp d'exécution de Choeung Ek.

Après un déjeuner presque imposé par l'orage qui s'abat quelques minutes seulement après notre arrivée, nous nous équipons à nouveau d'audio guide. Avec ses arbres et ses chants d'oiseaux, cela a tout d'un havre de paix...  mais la triste réalité revient vite à nous. La visite serait même plutôt agréable si on ne savait pas le nombre de personnes tuées ici...

L'arbre de la mort... c'est déjà horrible comme surnom... ici, les soldats saisissaient les enfants par les jambes et leur tapaient la tête contre l'arbre au son de la musique révolutionnaire et devant les yeux de leur mère....  Bien sûr nous avons été très light pour expliquer à nos deux bonhommes la "particularité" de cet arbre ... L'arbre est aujourd'hui très beau car recouvert par des centaines de bracelets colorés offerts par  les visiteurs... je retrouve Léon un peu plus loin qui essaie désespérément de détacher l'un de ses bracelets pour l'accrocher au tronc... je l'aide et le regarde déposer le bien auquel il était attaché depuis plusieurs mois.... 

 

40 ans après... les procès sont toujours en cours. D'anciens khmers rouges sont à la tête du pays. Pol Pot (aujourd'hui mort) a probablement disparu de la circulation pour couler des jours heureux, grâce à l'aide d'un personnage français connu. La corruption sévit dans tout le pays et les crimes politiques continuent à être perpétrés. Malgré tout cela, le peuple cambodgien se relève et sourit .... la gentillesse asiatique ne nous quitte pas. Elle est probablement leur plus précieux trésor. 

 

Pour conclure, j'ai choisi quelques lignes que j'avais insérées plus haut...  

 

"Après être entrés dans le monument du souvenir, nous nous dirigeons vers la sortie. Léon s'approche de moi et me demande : " mais comment peut-on faire pour que ça ne recommence plus ?"... je suis si fière de sa prise de conscience; cette journée au moins n'aura pas été vaine...

 

 

 

 

 

 

 

Quand je suis née...
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A
très dur cet article, que j'ai dû lire en plusieurs fois!
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